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Hommage à une grande diplomatie syrienne Pin d'Alep, prune, pistache, arum ou rose de Damas et autres ambassadeurs. PDF Print E-mail
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Written by Simone Lafleuriel-Zakri   
Thursday, 12 April 2018 15:19

 

 

 

 

 

 

1 : rose de Damas ou rosa damascena

 

Ce n'est pas d'hier que la Syrie, ou ce grand Bilad Cham, est dans l'histoire, et par des célébrités qui, échappées de leur territoire d'origine, ont exposées sur leurs laisser-passer, titres de voyage et modernes passeports, une identité explicite.

Le pinus halepensis, la rosa damascena, le prunus syriacus ou l'arum tout aussi syriacus, de Syrie, sont, sans doute, de ces ambassadeurs de la terre syrienne, les plus connus, et les plus indiscutables. Désormais, dans une vaste partie de notre planète, ils sont aussi, pour certains, très à leur aise dans leur nouveau terrain, et faciles à rencontrer. Mais...ils ne sont pas les seuls !

Il ne faudrait pas oublier, dans les savantes listes de nos flores, de peut-être plus humbles mais tout aussi présents représentants de la gente diplomatique syrienne souvent installés au pied de ces célébrités : sous l'ombre protectrice d'un pin d'Alep, par exemple ou non loin de hautes tiges drues de la ketmie – un clone d'hibiscus siriacus mais lui aux fleurs uniquement mauves d'où lui vient cette autre joliment appellation de «mauve en arbre», ou cet l'althea-althaea officinalis- un arbuste devenu courant  dans les jardins, par successifs marcottages faciles à réaliser, et  qui a  été pourvu de fleurs aux coloris divers.

L'hibiscus d'origine lui, est si robuste et bien enraciné dans la terre argileuse et bien nourricière de Syrie qu'il en garde le nom venu d'un nom arabe : hatmi devenu ketmie et féminin tous les végétaux ont un sexe allez savoir pourquoi - -et qui désignerait la guimauve. Enfin tous ces hisbicus de Syrie ou très proches parents sont de la grande famille des malvacées. L'hibiscus siriacus est un ambassadeur aux postes les plus divers, et qui s'est beaucoup déplacé. Il aurait été installé, sans doute en Espagne, à la fin du Moyen-âge, car transporté dans les bagages des Croisés.

Et en Afrique, un de ces descendants a fait souche. Il est bien connu par son fruit : le gombo qui passa en Amérique avec les esclaves dont il était le plat principal car il était consommé par les plus pauvres. Sous son nom de karkadé- carcadet ou bissap, il est incontournable en boissons rafraîchissantes, ou infusions et en tisanes réputées pour ses multiples vertus. Mais le gombo entre dans une infinité de plats succulents. L'arbuste porte fleurs et feuilles comestibles, qui depuis la plus haute antiquité, entrent dans divers préparations médicinales.

 

L'arum sauvage de Syrie

 

 

2 : arum sauvage de syrie en terre rouge vers Idlib

 

 

Parmi d'autres de ces ambassadeurs moins voyants plus modestes, l'arum sauvage et de Syrie a la réputation sulfureuse d'être toxique, et il est assez discret. On ne le rencontre pas facilement y compris dans sa terre natale. Celui ci se cachait dans un repli de terre rouge de la région d'Idlib où nous l'avions découvert et photographié. D'autres sont plus humbles dont la céphalaire de Syrie - céphalaria syriaca- C'est une plante herbacée devenue assez courante en Occident mais pourtant espèce menacée dans ses régions d'adoption. La fleur d'un bleu pâle couronne son coeur de pétales plus foncés et presque mauves.

La Syrie est encore représentée par l'anémone qui teinte de rouge sang la pierre blanchâtre des jebels calcaires. L'anémone est omniprésente dans le jardin sauvage de Syrie mais elle a cette particularité, certes partagée par quelques autres plantes, d'être liée à la grande  et complexe  histoire antique, amoureuse et passionnée de la mythologie. Elle est liée aux destins tragiques des déesses et de ces dieux qui ont-ou eurent- pour palais célestes, les sommets embrumés des monts qui dominent Ras al Bassit et la région de Lattaquié.

 

3: jebel calcaire syrien et parterre d'anémones

 


En effet, sur la côte syrienne, Adonis est né d'une union incestueuse de la reine Myrrha avec son père à qui, par amour, elle avait caché son identité. Adolescent et très beau, Adonis est follement aimé de la déesse phénicienne Astarté, devenue Aphrodite en Grèce et Vénus à Rome. Jaloux un rival puissant dieu Baal, Apollon, Jupiter ou le dieu Mars, on ne sait.., jure sa perte et fait d'un sanglier l'assassin du bel enfant. Son sang tache de rouge sanglant les pâles anémones.

 

Aphrodite éplorée fait de la fleur, le symbole de cet amour tragique. Adonis devient en arabe Shaqaïq an Noman, et notre anémone.

L'anémone est aussi le symbole du vent et d'où cet anémomètre qui mesure sa force..  l'anémochorie est enfin, la décision des graines de s'exiler, portées par le vent. Il a tant de ces végétaux orientaux ou asiatiques qui sont toujours solidement enracinés dans leur sol fertile, ou, survivent, péniblement arrimés, aux pentes de quelque wadi à sec, ou encore bruissent de tout leur feuillage intense aux rives de la Méditerrannée, mais dont la descendance installée très loin de ces terrains d'origine, les rappelle par leur nom savant.

 


 


Citons, par exemple, dans ces générations spontanées en terre orientale qui ont leurs innombrables fils ou filles en exil dame Notobasis Syriaca, une espèce de chardon plutôt d'approche revêche, mais à tête échevelée et de pourpre argenté. Cueilli près des ponts romains, il s'était bien comporté, et sans nous en vouloir, s'était épanoui dans notre cour de la demeure proche de la Citadelle.

S' y ajoutent encore la frêle véronica tout aussi syriaca qui ressemble assez à nos violettes sauvages, ou encore le très harmonieux Acanthus Syriacus- et plus simplement connu comme l'acanthe de Syrie.

 

 

4-Acanthe dans les plates-bandes du musée de Damas

 

Cet acanthe au genre masculin, prêta un jour lointain, à un artiste grec, le modèle de son feuillage découpé, et charnu, mouvant et largement étalé au sol. Ces feuilles agitées par le vent fut le motif adopté pour sculpter ces chapiteaux qu'on désigne désormais par corinthiens. Ils coiffent les colonnes qui les surplombent, et sont omniprésents dans les vestiges byzantins. Mais dame  Acanthe, dans la mythologie est cette déesse rebelle bien moderne en fait, qui, parce qu'elle suscita les désirs d'Apollon, se défendit vaillamment et griffa le visage de l'agresseur.

Apollon pour se venger la condamna à devenir ce végétal à feuilles molles et retombantes. Mais c'est en perpétuel mouvement et comme agitées par un vent violent que ces feuilles sont désormais figées dans la pierre des célèbres chapiteaux.

 

 

 

 

5 : Feuilles d'acanthes sur chapiteaux dans le site de Qalaat Sama'an-St Siméon.

Moutarde et Colza à jaune corolle en forme de croix

Il en est sûrement de cette plante que je prenais pour du colza. En réalité, très vagabonde, elle en est une lointaine parente, et partage non seulement une lointaine origine avec ce colza dont elle envahit les plantations au grand désesoir de nos agriculteurs, mais cette appartenance à une même famille, celle des innombrables crucifères, vient de sa fleur à corolle à quatre pétales disposés en croix. A peine le printemps installé, la moutarde fut de tous les coins et recoins de la campagne syrienne,  et en particulier dans le massif calcaire, tant le sol est  favorable à son prestigieux  pouvoir de dissémination, et à la conservation et à l'extraordinaire résistance de ses graines minuscules.

Arrivée de Méditerranée orientale, de l'Iran ou d'Asie en général, et parente du chou, elle s'installa en tous sols et dans le monde entier.

Columelle, déjà, dans son Traité de l'Agriculture, indique que la moutarde ou Sinapis, «mordax et lagrimosa», est tout à fait capable «de faire pleurer celui qui la provoque». Moi, la plante  m'étonnait par, en Syrie, sa prolifération vigoureuse.

Elle y est inévitable, incontournable.

 

Il m'était, ainsi, impossible de photographier un quelconque vestige, et partout, sans avoir des touffes d'un jaune dense, installées au premier plan. C'était par exemple, dans les ruines bien dégagées et ordonnées de la Citadelle d'Alep, mais encore comme ici, intense et escaladant un haut talus ou encadrant un champ de fèves entier colonisé par des coquelicots ; l'habituelle photo du printemps des rives de la rivière Afrin, fut juste aux pieds du tell qui porte au sommet le site antique et néo-hittite d'Aïn Dara aujourd'hui atrocement mutilé par les Turcs, proche de Saint Siméon, dans le jebel Sama'an,

 



6 : Talus de ruisseau à Aïn dara, colonisé par les pieds de moutarde

 

La moutarde qui répond au nom arabe de hardal, est en fait une crucifère très orientale... méditerranénne et introduite en Espagne, selon certaines rares sources, par...les Arabes ommeyades fuyant la Syrie pour, après in périlleuse errance, 'installer, enfin, en Andalousie. Et justement sa graine aux multiples propriétés médicinales est très vite utilisée en condiment recherché.On dit qu'elle était déjà une monnaie d'échange, et objet de défi entre Alexandre et Darius.

Parce qu'elle est surtout une plante des champs, sa graine est toujours prête à germer. C'est une plante envahissante...indésirable, indestructible, qui n'a plus, attachée à son nom, son origine. Elle n'est plus qu'un vulgaire sinapis arvensis ce qui en dit assez de sa nature sauvage, indomptée.Elle n'est que juste plante de jachère ou, comme le précise un savant et un peu ancien dictionnaire : de guérets et donc terre inculte, et ni labourée ni ensemencée.

 

Pistachier d'Alep et Pin d'Alep

L'origine de nos plantes est le plus souvent signalée, et depuis toujours, et par exemple pour l'iris de Palestine, Iris palestina ou pour tant d'autres espèces dont le pistachier -pistacia vera ou térébinthe. Hélas, ces pistachiers que l'on dit rapportés de Syrie en Occident romain par Vitellius, sont partout présents entre Alep et Hama, et soigneusement alignés, est-ouest, en direction de la barrière calcaire du massif. De taille modeste, mais comme leurs congénères iraniens, ils couvrent de leur maigre ombrage de larges bandes de vergers. Pour raisons d'embargos et de guerres plus récentes pour le pistachier syrien, on leur a fait peut-être, perdre aussi leur lieu de naissance. Désormais souvent salés et consommés entre amis, les fruits du pistachier sont presque devenus uniquement américains, en tout cas comme le voudraient ses puissants exportateurs actuels qui concurrencent le pistachier d'Iran, mais celui-ci se bat viroureusement pour garder son grand marché..


Mais et le pin d'Alep ? En fait le pin d'Alep auquel est précisé le plus souvent son Alep d'origine, halepensis, n'est pas celui qui couvrait à l'origine le sol de Syrie. Mais c'est lui qui porte le nom de la ville partout dans le monde, et qui est largement répandu en Méditeranée, et dépasse la zone et émigre aux Amériques - il résiste à tout et en particuier à la sécheresse et aux incendies. Le pin d'Alep ou pinus halepensis est le pin « brutia » de Syrie et à un jumeau : le pin brutia d'Anatolie.

 

 

7 : Pins d'Alep le long de l'esplanade conduisant du monastère au nord vers le baptistère au sud.

A vrai dire, le végétal qui peuple les terres syriennes recouvre une aire géographique bien plus  vaste que les méditerranéenne ou asiatique.

 

Certaines plantes ont très vite eu le nom du pays où elles se sentaient le plus à l'aise ou de la terre où quelque herboriste ou botaniste, les yeux rivés sur le sol, les avait un beau jour repérées. Il les avait, peut-être, avec d'infinies précautions, déracinées et emportées pour les enfouir en quelque jardin de terre étrangère...Elles s'y trouvèrent tout aussi bien que, en ce lieu où, un jour très, très lointain, elles s'étaient épanouies. Elles y avaient aussitôt semé de précieuses graines qui s'étaient, ensuite, multipliées et aussitôt éparpillées, comme cette moutarde aux graines si fécondes. A leur tour, elles avaient pris leur envol, grâce au vent, ou grâce à d'autres bestioles complaisantes ou intéressées à prélever des corolles embaumées de leurs fleurs, un peu de divin suc.

La fritillaire du Liban est libanotica ; l'ail, allez savoir pourquoi, est de Naples et donc allium neapolitanum. La jacinthe, est peu précisément d'Orient, et donc orientalis ; la sylène d'Egypte est, elle, aegyptiaca ; le cyclamen, de Perse; le figuier : de Barbarie comme le renoncule est asiaticus. Plus exotique, le lis est peut être aussi tatare : tataricum.

 


7 :Ixiiolirion tartaricum en terre syrienne

C'est l'ixiolirion dit Tataricum pas très commun dans le massif calcaire, mais il y trouve un sol rocailleux et sec qu'il lui rappelle la terre de sa steppe.

 

Pour ces espèces végétales qui se rencontrent toutes en terre syrienne, mais qui portent le nom d'une autre terre d'origine, n'est pas une fatalité ni même un handicap à sa notoriété : un savant ou une déesse a pu donner son auguste patronyme : l'arum comme la valériane ont pour père Dioscoride,    le nom arabe de cet arum si commun en Orient et qui déployait sa spathe en cornet savamment enroulée, aurait des origines arméniennes mais Disocoride avait, pour ses recherches en botanique,  bien  plus  la  partie très orientale                      de l'empire grec,                           bien plus fertile et prodigue en espèces variées.

Si la jacinthe est de la famille des hyacinthes - toutes à bulbe- son nom fait référence au Hyacinthe de la mythologie grecque qu'Apollon tua accidentellement. Le sol se colora des gouttes de son  sang. Mais si                          la jacinthe    porte aussi    le nom de Pallas, c'est au grand voyageur    naturaliste, zoologiste et botaniste allemand, Pallas qu'elle le doit aussi, et non à la déesse Pallas, l'Athéna ou Astarté devenue Aphrodite, et Vénus, dont on sait déjà, mais comme pour ces dieux et déesses, que le lieu de ses ébats était sur la côte de Syrie. La montagne qui culmine à moins de mille huit cents mètres est le Jebel Aqra, mieux le "Mont Saphon" de l'Antiquité dit aussi "Mont Casius" et "montagne du nord". Ce Saphon est bien sûr, la demeure de tous ces dieux que la masse de nuages vaporeux aux rives de la Méditerrannée, dissimule aux yeux des humains. C'est surtout la demeure du Dieu-Roi : Baal-Zeus-Apollon, qui y installa son trône et que vénéraient les habitants du "cap du fenouil »-Ras Shamra-Ougarit.

Du fenouil, on ne connait pas l'origine, mais c'est la plante méditerranéenne  bien connue en  Grèce, que l'on découvre dans le site. Dioscoride explique:

"L'hippomarathon ou fenouil sauvage, est de grande taille et a des graines pareilles à celui du "libanotis". Sa racine est odorante…»

Le fenouil, pour toutes ses utilisations, est naturellement omniprésent en terre syrienne. Dans les écuries du Palais royal d'Ougarit étaient élevés et engraissés avec des plants de fenouil, des centaines de chevaux. Il en fallait en effet beaucoup de ces montures vigoureuses pour porter les guerriers dans ces guerres incessantes.

 

La duveteuse ou cotonneuse Asclepias Syriaca

 

L'asclepias syriaca ou «herbe à perruche», nous la connaissions depuis notre enfance ! Une voisine de notre famille, en France et même dans notre village natal tout à fait au centre du pays, nous apportait une branche de la plante qui portait plusieurs fleurs sur le point de s'épanouir. Nous détachions le fruit, et posé par son bec sur le rebord d'un verre, il semblait s'abreuver de son contenu.

Mais, finalement l'Asclepias s'était habituée, et même elle prospérait si loin de sa Syrie. Bien sûr, nous, nous ignorions totalement que cette «herbe aux perruches» portait d'abord ce nom savant d'asclepias et syriaca, et qu'elle avait comme origine la Syrie ! La fleur  dont la tige coupée  semblait un bec à l'extremité d'un renflement en forme de tête et qui se prolongeait en  un petit  corps renflé dans son enveloppe vert tendre, posée sur une verre rempli d'eau, s'ouvrait après quelques jours, et faisait apparaître des légères graines duveteuses...d'où son surnom.

Ce duvet avait même été, il y a longtemps, utilisé pour remplir des taies d'oreiller, comme la bourre de soie ou le coton. Nous en avions fait provision, dans une ruelle de Damas. Les «perruches» en Syrie se vendaient par poignées, en un gros tas posé sur une «arrabié» la charrette des paysans arrivés des champs proches. Nous en avions fait provision, dans une ruelle de Damas. L'herbe aux perruches, avec ce nom de grande dame était là, bien chez elle, enfin pour celles de ses graines qui n'avaient jamais décidé de s'expatrier !

 

 

 

8: vente d'Asclepias près de la grande mosquée de Damas

 

La Coriandre

 

La coriandre ou Coriandum sativum ou persil arabe est bien de Syrie. Au printemps elle est omniprésente, et par longues parcelles rectangulaires, elle ondule des bords de la route allant de Harétane à la sortie nord d'Alep, vers Azaz et aux collines de l'est partout cultivées, où se nichent des petits tells qui dominent les plantations. Ces tells étaient peu connus et peu fréquentés y compris par les innombrables archéologues en plusieurs dizaines de missions qui travaillent régulièrement en Syrie...Tell Daman, tell Balid, et d'autres sont tout aussi en mal d'exploration.

 

 

9 : Souk de Damas : kusbara, kamoun, semsem, nanah et autres épices de Syrie

Les images satellites de cette zone de Syrie du nord-nord-est, et des années de guerre 2014 et plus, ont pourtant révélé ces sites probablement de l'âge de bronze, en très grand nombre, et totalement inconnus auparavant. Une révélation étonnante au point que des archéologues ont décrété au vu de ces multiples clichés que la région serait demain au cœur de l'âge d'or de l'archéologie mondiale. Tell Rifaat est le plus important de ces sites. On l'aperçoit de la route. En une sorte d'éminence blanchâtre et trapue, il domine la plaine, au cœur d'une ville moderne ou gros bourg agricole en expansion...Mais pour l'archéologie, il faudra sans doute patienter...Toute la région est sous contrôle de milices kurdes. Mais elle risque d être bientôt sous les coups de l'armée de la Turquie d'Erdogan qui entend prendre toute la région d'Afrin à Minbij en passant par...Tell Rifaat.

La coriandre- kusbara- en arabe, était déjà commune dans l'Antiquité.

Dioscoride la décrit et la nomme koriandron. Elle devient qilandra en latin et se répand en Andalousie sous le nom de cilandro. Pour ses nombreuses propriétés, et les débats qu'elle suscita entre savants, le grand botaniste et pharmacologue ibn Baytar lui consacre au 13e siècle, trois pages de son Traité des substances simples entrant dans la composition des drogues et aliments.

 

Récemment on lui attribua la capacité de détoxifier en tant que chélateur, capable d'éliminer  du sol le plomb et autres métaux lourds. Avec le cumin, l'aneth, le sésame le carvi et l'anis, toutes plantes dont la Syrie était un important exportateur, la coriandre était expédiée en Inde et en Chine et entre dans toutes les préparations culinaires orientales ou asiatiques.

 

Mon ami l'asphodèle

 

L'asphodèle de Syrie si vigoureux avec sa hampe comme un poing levé vers le ciel, aujourd'hui, et désormais, doit braver toute la force destructive de ces clans qui n'ont jamais appris le moindre respect pour ces prestigieux vestiges qu'ils foulent de leurs bottes de guerriers ineptes, incultes, manipulés par de cyniques puissances de pouvoir et d'argent...Et pourtant cette terre qu'ils profanent et détruisent, porte en elle, tous les signes de la mémoire humaine, en ces graines enfouies ou, poussées haut vers la lumière, et déjà loin du sol qui les a vu germer.

 

 

 

10 : Touffes d'asphodèles dans les vestiges d'un village byzantin dans le jebel Sama'an

 

Tous les récits des voyageurs en Orient racontent les parterres de fleurs rencontrés sur «le Chemin de Damas, » qui les conduisaient en Syrie, en terre sainte, et à Jérusalem. Comme les promeneurs que j'accompagnais lors de ce si court  printemps syrien, ils disent les champs de narcisses ou de lis, d'iris ou d'anémones et les grandes touffes d'asphodèles. Les asphodèles de genre masculin même si parfois les poètes les font féminine, ont  ces grandest  hampes  à petites fleurs  blanc bleuté disposées en épis qui dépassent  de leurs hautes touffes  toute  la végétation qui couvre le sol.

Dans ce passage poétique de pure inspiration biblique et tirée de «la Légende des Siècles» Victor Hugo avait besoin d'une rime à elle- « car Ruth ne savait pas ce que Dieu voulait d'elle ». Il a donc installé ses touffes d'asphodèles dans le champ de blé où Booz, un bon, juste et fort vieillard aisé propriétaire de champs multiples, s'est endormi sur l'aire, allongé  près des sacs  renflés de bon grain . «La nuit était tombée» sur le mont Galgala»...et Booz rêve que Dieu lui fait entrevoir qu'il serait le chef d'une très longue lignée d'humains...Booz ne sait pas que Ruth l'a déjà rejoint sur sa couche rustique sans savoir ce qui la pousse vers cet homme.

« Un frais parfum sortait des touffes d'asphodèles...les collines ayant des lys sur leur sommet... L'ombre était nuptiale, auguste et solennelle...»

 

Ces graines obstinées portent haut leurs floraisons et leurs fruits vers des visages qui ne les contemplent même pas ou même plus. Elles préservent pourtant tous les signes de leur vie commune, de tous les germes de ce qui y nait, survit ou s'obstine à se perpétuer et se mulitplier. Gageons que les végétaux de Syrie mieux que les humains de sol mais qui parfois et trop souvent les ignoraient, sauront sauvegarder cette mémoire, la porter vers l'inconnu, en ambassadeurs soigneux et empressés, comme avant et comme sans cesse, et même au plus loin de leur sol trop souvent martyrisé.

 

 

 

Simone Lafleuriel-Zakri, Printemps 2018

 

 

 

Last Updated on Friday, 27 April 2018 12:48
 

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