Hommage à l'écrivain syrien de la mer Hanna Mina par Simone Lafleuriel Zakri |
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Written by Simone Lafleuriel-Zakri |
Wednesday, 22 August 2018 15:58 |
Un amoureux souvent s'éloigne..
Hanna Mina vient de quitter la mer, ses travailleurs et les paysages de cette côte syrienne qu'il avait tant au cœur
J'avais, il y a peu voulu, de nouveau raconter Hanna Mina, pour un hommage mais non posthume alors, et bien de son vivant, mais parce que je trouvais qu'il était par trop oublié, lui, l 'écrivain syrien passionné de littérature mais comme de politique e t, si solidaire et si engagé aux côtés de son peuple. La région de la côte syrienne, de plus, avait retrouvé son calme. Les plages de Lattaquié, de Ras al Bassit, le port de Tartous, et le célèbre site d'Ouagarit en paix retrouvaient ses touristes et ses visiteurs venus, par des routes sûres, se reposer, souffler un peu, et renouer enfin avec le bruit rassurant et familier des vagues. Ils arrivaient de Syrie, d'Alep par exemple et même pour certains en groupe européens solidaire découvrir ou découvrir la Syrie. Mais savaient-ils ou leur expliquait-t- on que de ces paysages marins, syriens Hanna Mina en amoureux passionné et si profondément fidèle, en était.... le chantre et syrien, l'unique conte.
Un amoureux souvent s'éloigne...
C'est ce que Hanna Mina l'écrivain syrien de la mer, des marins, et des ports vient de faire...Il a quitté la Syrie et sa bonne ville de Lattaquié où il est né et où sa famille s'était installée.
Lattaquié dans les années 20 à la naissance d'Hanna Mina.. La famille était d'un petit village syrien, Darkouche (aujourd'hui dans la tourmente et occupé) et proche de la région proche d'Antioche : liwa ou mohafazat d'Alexandrette à population musulamne mais aussi chrétienne passée en 1920 sous mandat français sauf le port réservé en 1921 aux Turcs. Puis toute la région en 1939,et après de violentes manifestations et protestations syriennes, est donnée à la Turquie ottomane en échange d'une supposée neutralité turque dans le nouveau conflit à venir, et devenue partie du sandjak turc du Hatay.
Au début de 1920, et alors que l'armée française du Levant et les administrateurs mandataires débarquent sur la côte syrienne, et s'installent commodément à Beyrouth, la famille d'Hanna Mina ou d'Hanna Minieh, arrive à Lattaquié pour s'installer, travailler et survivre au plus près des ports et des villes. Un amant de la Syrie et de son peuple a décidé de s'éloigner... J'avais rencontré Hanna Mina, mais il y a plusieurs années, et à Damas. Il m'avait alors proposé, pour cet entretien très amical, et plutôt que de rester enfermés dans cette pièce qu'il avait remplie de bouquins, d'aller vagabonder, de partir en balade dans la ville de Damas...
Etait-il déjà fatigué, et par cette maladie contre laquelle il avait mené un long combat ou par d'autres de ses raisons de lassitude. L'écrivain s'était tant donné à la défense de la littérature en arabe, qui avait fondé l'Union des écrivains, syriens, et l'Union des écrivains syriens. Mais il était resté très proche des poètes et conteurs de son peuple, lui dont ses lecteurs, les lecteurs syriens ou du Liban du Soudan ou du Maghreb, disaient qu'il était leur auteur syrien préféré.
Il me confia alors son désir de prendre le large, mais comme ces marins ou ces travailleurs des bords de mer, dont il avait tant partagé et raconté leur vie difficile, en particulier au temps de ce Mandat français et de la résistance des nationalistes syriens dont il racontait les combats, pour l'indépendance syrienne juste précédé de la deuxième guerre mondiale.
Alors qu'il avait juste vingt ans, en pleine deuxième guerre mondiale qui n'avait pas épargné la Syrie et son Orient, et quand Paris était encore fidèle au maréchal Pétain, alors que les Syriens avaient soutenu les résistants de la France Libre, Lattaquié avait même reçu, par un beau jour d'aout 1942, la visite du Général de Gaulle. A cette occasion les Lattaquiotes dont tous les jeunes de la ville et les scouts avaient été rassemblés pour affirmer leur soutien.
En aout 1942 et déjà écrivain, le jeune Hanna Mina pouvait, lui, aussi observer le défilé de ces escadrons français de la cavalerie légère quand déjà s'activent au Levant les officiers de la France Libre, et qu'à Rayak sur la grande base militaire s'enrôlent les aviateurs qui rejoignent l'escadrille devenue celle du Normandie Niémen.. Au faîte de son amour, un amant décide de s'éloigner
et mettre cet éloignement en exécution car il ajouta qu'il avait "beaucoup de projets.
Mais c'était il y a plusieurs années, et sans qu'il eut véritablement l’envie et il aimait aussi voyager. « Les sportifs, les fonctionnaires un jour, prennent leur retraite. Pourquoi ne le ferais-je pas moi-aussi…Après tout, il arrive qu'au faîte de son amour, un amant décide de s'éloigner. Ni mes livres, ni les enfants ne me retiennent. Je ne les aime pas. Ils m'empêchent d'aller vers les livres des autres, les enfants des autres. Je veux m'en éloigner » Et, tandis qu'il se racontait, Hanna Mina fouillait dans sa grande bibliothèque pleine des œuvres de ...ces autres voulait m'offrir alors un de ses livres…mais il ne trouvait pas ce qu'il cherchait…Lui, qui avait été traduit en langues diverses en anglais ou en russe et plus..ne l'était pas en français. Il ne se demandait les raisons qu'à peine...Il se peut qu'il pensait que, comme lui, les éditeurs français préféraient aller se balader ou vagabonder.
Quitter le port, mettre les voiles, prendre le large...
Mettre les voiles comme celles d'antan, qu'enfant ou adolescent, il admirait sur le port ou celles toutes pareilles qui animaient, mais depuis l'Antiquité, les valeureux moulins de l'île de Tartous...
Partir retrouver l'ailleurs, et les autres : ces travailleurs des bords de mer...C'est ce qu'il confiait préférer, et de faire loin de sa Syrie, de la côte vers Lattaquié, dans des ports proches ou d'ailleurs, et surtout parmi les " travailleurs de la mer" qu'il avait si souvent mis au cœur de son œuvre. Il aimait les écouter se raconter, dire leurs joies mais surtout leurs peines, pour mieux ensuite et le plus souvent dénoncer.
Surtout s'exprimer dans l'arabe de ces travailleurs et ouvriers des ports Bien sûr il écrivait lui, en arabe, et dans la langue de ces marins ou de ces dockers, et des gens de la côte, des ports et des flots. Lui parlait leur langage et utilisait ce vocabulaire qu'il préférait : celui de la mer, des métiers de marins, de la pêche, et de cette région de la côte syrienne avec son accent particulier plus chantant et plus doux.."je n'ai jamais trouvé des limites ou des obstacles à l'expression de ces expériences dans la langue arabe, m'expliqua-t-il, ce qui est nouveau en fait, c'est tout ce vocabulaire touchant à la mer à la côte et à la région de cette côte. Un amoureux de la Syrie vient de dire adieu à la Syrie, à la mer syrienne, comme on nommait autrefois la méditerranée, de quitter ses amis et d'abandonner sur leurs rayons, les quarante et plus romans et autres œuvres y compris étrangères, tous rangés dans sa bibliothèque. Ils resteront là, mais les siens écrits dans plusieurs langues, et dans les bibliothèques du monde arabe et du monde.
L' amant syrien de de la littérature s'est s'éloigné mais pour toujours : Hanna Mina a dit adieu aux dockers des ports, aux porteurs de lourdes charges à jeter dans les cales, aux pesants sacs de charbon ou de farine à livrer en ville,. C'est fait..Il a pris l'accord du grand timonier de son choix. Puis il a embarqué sur l'un de ces grands voiliers se balançant au large. Patiemment, ils l'attendaient. Ougarit et les abeilles de la côte syrienne
Hanna Mina a largué ses amarres. Il a quitté Damas où il aimait bien vagabonder, dit adieu à sa bonne ville de Lattaquié...Il avait œuvré au port ou à l'ancre pendant 95 ans.
Simone lafleuriel Zakri 22 aout 2018 |
Last Updated on Sunday, 30 September 2018 10:42 |